‘Le réfectoire est calme malgré le nombre de détenus qui grouillent à l’intérieur. Depuis quelques temps, tout est calme à DearDeath : plus de bagarre, plus de révolte improvisée, plus de sang, ou très peu. Il semble planer autour du bâtiment comme un épuisement qui se répercute sur le moral des prisonniers autant que sur le personnel.
À l’approche de Noël, certains auraient pu manifester un peu de joie ou d’espoir, mais il ne reste que de la fatigue. Comme si les détenus s’étaient vraiment rendu compte qu’ils ne sortiraient pas de sitôt de la prison et qu’il n’y avait plus rien à faire.

Dans son bureau, la directrice MccDaven surveille. Elle ne comprend pas, et même si elle se trouve satisfaite de constater un calme royal dans son établissement, elle s’ennuie. Les hommes et les femmes étaient ici pour purger leurs peines, pour être punis, et ils méritaient amplement de vivre dans cette sombre ambiance. Mais ce jour était un jour spécial, et MccDaven avait longuement hésité avant de finalement se convaincre d’apporter un peu de magie ici. Oui, Noël aurait lieu ici aussi. Cela faisait deux longs mois que les détenus s’étaient parfaitement bien comporté, alors, du point de vu professionnel de la directrice, ils méritaient bien cela. Et si l’événement se déroulait mal, et bien … il n’aurait plus jamais lieu.’

- Avez-vous bien compris ? Pas de débordement, sinon, c’est salle disciplinaire pendant une semaine. Je ne veux pas que l’on conteste mes ordres. Vous acceptez, alors vous vous tenez à ce que je dis. C’est un marché à l’amiable, entre deux personnes civilisées, car je sais que vous êtes capable de respecter cela.
- J’ai compris. Vous ne serez pas déçue. Ca va chier dans le ventilo !

MccDavem haussa un sourcil suspicieux alors que je ravalais un grand éclat de rire bien immature. Pour une fois que l’on m’accordait de la confiance, j’étais prêt à m’aplatir. Pour une fois. J’étais ravi de ce qu’elle m’avait proposé, j’étais ravi de voir qu’elle n’oubliait pas sa prison et que l’atmosphère pourrie qui régnait allait bientôt être balayé, alors non, je ne voulais pas être consigné. Aujourd’hui et pour la première fois, j’allais écouter des ordres. J’allais redonner vie à chacun des détenus de DearDeath.




‘Des coups répétés se font entendre, treize coups pour être précis. Les lumières, dont la plupart clignotaient dangereusement, s’éteignirent une à une, excepté quelques-unes qui apportent une ambiance tamisée au réfectoire. Les détenus s’interrogent, lèvent les yeux, délaissent leur assiette, intrigués. Et puis, trois longs coups s’enchainent, avant qu’un léger silence s’installe. Des gardiens se postent un peu partout dans la salle, armés, mais chacun tenant fermement un gros sac de supermarché qui tranchent avec leur allure sérieuse.
Au loin, des basses se font entendre, de plus en plus proche. Assez proche maintenant pour que l’on reconnaisse une mélodie, des instruments.  Les portes du réfectoire s’ouvrent, laissant la musique emplirent entièrement la grande salle à manger. Un jeune homme aux cheveux ébène coiffés d’un chapeau de Noël pénètre à l’intérieur, une petite enceinte accrochée à la ceinture. Il porte  le pantalon gris réglementaire des détenus, un débardeur blanc surmonté d’une veste de costume rouge pétard. Des lunettes de soleil posées sur le nez, un sourire satisfait plaqué sur les lèvres, il bondit sur une longue table vide, et, la musique au maximum, se met à danser sous les regards amusés, effarés, intrigués, neutres des prisonniers.
Chacun y va de son point de vu, certains quittent simplement le réfectoire, le volume trop fort peut-être pour leurs oreilles délicates. Les gardiens, eux, se sont approchés, et ont déversés sur les tables le contenu de leurs sacs : bonnets, peluches, catalogues de jouets, tout ce qui peut ravir les petits et les grands. Nous sommes dans une prison, la plupart font plus de deux mètres, possèdent des tatouages, ont le crâne rasé, mais la plupart ont une famille, et des enfants. Quel plaisir cela serait d’offrir ! ‘

Manger. Manger cette nourriture immonde. Encore et encore, sans variation, sans goût, sans saveur. Allons quoi! Je continue a triturer mon plat du bout de ma fourchette plastique. Pas d'acier inoxiable, se serait bien trop dangeureux. Pourtant on sous-estime grandement des dégats que peu faire du plastique, certaines personnes pourraient en témoigner si elles étaient encore de ce monde. Ou si elles avaient encore un langue. Ou des cordes vocales... En réalité, non, elles ne pourraient en aucun cas témoigner mais le fait était néanmoins là. La nourriture, la bouillasse pour être plus précis, est dans mon assiette, la fourchette, en plastique, est dans ma main et aucune interactivité ne peut se produir entre elles. Point a la ligne.

Je repousse mon assiette d'une mine dégoûtée. Je ne souhaite pas faire ma diva, mais le souvenir de mon repas à cette date un an au paravant était bien différent. Certes, plus sanglant, plus rouge et moins légal. Mais il y avait pleins de bonnes choses a Tromsø autre que leurs filles. Il y avait u vin chaud, du pain d'épice. beaucoup de choses absentes ici. Tout comme l'esprit de Noël d'ailleurs.
Oui, certes, je ne suis pas bien plassé pour parler de l'esprit de Noël, de toutes ces joyeusetés. Je suis un bien piètre chrétien il faut l'avouer. Mais j'ai lu la Bible. Qu'importe. Même si je ne me suis jamais senti très...concerné par ces fêtes de la populasse, voir les villes briller la nuit, la musique, les petits marchés, la neige...tout cela me manque. Peut-être est-ce aussi dut à l'ambiance morose des prionniers, et de la toute la prison entière. Je ne pensais pas les détenus aussi sensibles mais après tout, si je le suis, pourquoi pas eux.

Je ne me suis toujours pas habitué à l'idée que j'étais des leurs. Aussi bien parce que je me sens infiniement supérieur à ces imbéciles, et aussi parce que l'idée de faire parti d'une communauté, aussi affreuse soit-elle, m'est extrêmement nouvelle et dérangeante.
je rejette un coup d'oeil vague à mon assiette. Je ne peux même pas dire ce qu'il y a dedans exactement. Autant partir et retrouver la douceur, toute relative, de la bibliothèque.

Quoi? De la musique? Les lumières s'éteignent, à mon grand soulagement, et déboule, comme ça, dans la pièce, une sorte de crétin vaguement déguisé en père-noël qui se met à danser, sous les yeux effarés des détenus. Et pire. A danser sur MA table, DEVANT moi, et les autres assis a côtés mais ça on ne s'y intéresse pas.
Je me crisp immédiatement. Une vague voix dans ma tête me pousse à le rejoindre. Ce n'est pas dans mes habitudes.
Certains détenus montent également danser, vont se servir dans les objets. Et je suis toujorus visé à ma chaise.

Peut-être est-ce a cause des derniers jours éprouvant, peut-être à cause de la nostaglie, mais peu à peu, les détenus semblent se prendre au jeu peu à peu. Même s'ils sont peu à être sur la table.

dra til helvete! Que mes principes aillent au diable, ou pir encore pour ce soir. En un bond, je suis sur la table. Mon dieu qu'estce que je fais. Entre ce nabot aux cheveux noirs et moi, aux cheveux presque blanc qui approche des deux mètres, on pourrait penser à un mauvais Laurel et Hardy. Et puis merde. En rythme les gars, ce soir, c'est noël!

Ahh Noël. Naissance de l’enfant Jésus. Moment privilégié pour se réunir en famille. Les sapins. Les cadeaux.

Fuck Noël. J’aime pas Noël. Les magasins. Les achats. L’obligation d’aller aux soupers de famille. Les vieux oncles soûls qui te racontent des blagues de cul. Quoique cette année ce n’est pas vraiment un problème…

Mais bon, tout ça pour dire que je n’ai jamais vraiment fêté Noël. Ce n’est pas vraiment un truc d’anarchiste. Mon style c’est plus l’anticapitalisme et tout ce genre de trucs…

Il faut tout de même avouer que Noël en prison s’est particulièrement glauque. Depuis au moins un mois, les prisonniers prennent un air abattu, se tiennent la tête basse. La cour est froide et grise. La prison est froide et grise. Les journées sont courtes et sans soleil.

Ils ont au moins fait l’effort de nous donner un semblant de souper de Noël avec ce qu’on pourrait imaginer être des patates pilées et ce qui semble vaguement être de la dinde. En face de moi, un détenu repousse son assiette. Il semble vouloir se lever et partir. Je le comprends. Moi aussi je veux me barrer. À la différence que je vais finir mon assiette avant. Si je commence à faire la fine gueule, sur l’ambiance et sur la bouffe, je vais vite mourir de faim.

Toujours est-il que ce détenu attire mon attention. Grand, peut-être un peu plus que moi, ce n’est pas si fréquent. Et pâle. On le dirait sorti tout droit d’un film de vampires. La peau blanche quasi translucide. Les cheveux d’un blond décoloré. Il a quelque chose de lugubre. Pas juste dans sa pâleur cadavérique. Mais aussi dans la manière dont il se tient, hautain, méprisant.

Alors que M. Snobinard-Blanchâtre repousse finalement son assiette avec une dernière hésitation, les lumières s’éteignent d’un coup et une musique d’enfer vaguement festive envahit la cafétéria. Je me crispe. Rien qui soit ordinaire ou extraordinaire ne m’inspire confiance dans cette prison. Les gardiens bougent dans la noirceur, ont quelque chose dans leurs mains. Un hurluberlu déguisé en ce qu’on pourrait qualifier de Père-Noël, en utilisant une quantité énorme d’imagination, arrive soudain et monte sur notre table. Et y danse. Entre moi et M. Snobinard-Blanchâtre. Juste comme ça. Et les gardes arrivent de chaque côté pour vider sur la table des sacs entiers de jouets et de babioles.

Je ris à gorge déployée. C’est tellement absurde. J’en suis sous le choc.

Et alors… Et alors… Snobinard-Blanchâtre (j’en parle depuis un moment, alors je me permets la familiarité de sauter le M.) saute sur la table. D’une manière gracieuse, qui plus est, et se met à danser avec notre pseudo Père-Noël.

C’en est trop. Je m’étouffe de rire. J’en vois presque plus clair. J’ai quand même le jugement de me lever et de prendre mon assiette avant que quelqu’un me marche sur les doigts ou mette ses semelles sales dans ma bouffe. Je finis de manger rapidement. Autour de la table les détenus s’agitent.

En parlant de s’agiter. Snobinard-Blanchâtre s’agite sur la table. Et il s’agite bien. J’en rougirais presque. La prison commence sérieusement à m’affecter…

Pour cacher mon malaise, je tends le bras et agrippe une peluche. Un renard avec un pelage d’un roux semblable à ma chevelure. Je le glisse dans la poche de mon uniforme de manière à ce que sa tête et ses pattes avant restent visibles. Voilà, j’ai presque l’air festif moi aussi!

Mine de rien l’ambiance est contagieuse. Il n’y a tellement rien à faire ici que lorsqu’on voit une occasion on la prend. Je me demande si je devrais danser moi aussi. C’est peut-être la seule chance que j’aurai de danser debout sur la table d’une cafétéria de prison un soir de Noël. C’est une chance à ne pas perdre…

When christmas comes to town < Le Pôle Express

C’est bientôt Noël, et l’ambiance carcérale est encore plus morne que tout ce que j’avais encore vu. En un sens, c’était assez prévisible : après une révolte échouée, une série de meurtres non élucidés, la condamnation de Basile et tout un tas d’autres conneries, on pouvait dire que le moral était loin d’être au beau fixe. Aujourd’hui, c’était avec le même non enthousiasme que j’assistai au réveil des détenues de mon couloir, et suivis les autres d’un air morne. Bon sang, qu’est-ce que je ne donnerais pas pour voir quelque chose de différent… Il y a si longtemps que personne ne s’est vraiment battu que je crois ne même plus savoir quel effet ça fait de prendre une patate. Et, venant de moi, c’est dire.

Cependant, quelque chose avait changé, quand bien même je ne m’en suis pas aperçue tout de suite. C’était au déjeuner que j’avais enfin noté la différence avec le quotidien ordinaire. Probablement à cause de l’ersatz de repas de Noël servi par les cuisines, une mixture étrange qui sentait plusieurs choses à la fois, mais rien de très engageant. Je portai le bout de ma fourchette à mes lèvres pour goûter vaguement ce machin, et me rendis compte que si ça n’avait pas l’air extra, c’était pas pour autant complètement immangeable. Enfin, j’avais déjà vu pire, et puis je commençais à m’habituer à la qualité plutôt moyenne, pour ne pas dire très moyenne, de la nourriture en prison.

Le silence régnait relativement partout, même si quelques conversations égayaient un peu le restaurant, le rendant moins mortel. Rien de pire qu’une pièce pleine de gens silencieux. Pas que le silence me dérange, au contraire, j’aime vraiment beaucoup, mais quand trop de gens se taisent, je trouve ça louche. Du coup, quand la pièce fut plongée dans l’obscurité, je me raidis et rentrai la tête dans les épaules, m’attendant presque à ce que certains agitateurs pas complètement dressés par DearDeath décident de lancer une baston générale. Au lieu de ça, quelques lampes restèrent allumées, et un mec entra en grande fanfare, vaguement déguisé en Père Noël. Je remarquai ensuite que les gardiens ne réagissaient pas, ne tentaient pas de faire rentrer dans le rang cet impertinent. Le détenu, que je reconnus comme tel parce qu’il portait le pantalon réglementaire, bondis sur une table et commença à danser. Aussi absurde que ce soit, c’est ce que je vis.

Je me laissai aller à rire franchement, plutôt surprise par une telle manifestation de joie de vivre, surtout depuis que le moral semblait au plus bas. Quelques autres détenus se mirent en tête de se joindre à la fête, pendant que les gardiens se mirent à déverser un flot de cadeaux plus incongrus les uns que les autres. Il y avait des peluches, des bonnets de père Noël, des pochettes surprises et ce qui ressemblaient à des papillotes. Sincèrement étonnée, je m’approchai de quelques pas tout en remarquant deux géants parmi la multitude qui se remarquaient assez. Un type blond presque blanc et le rouquin de la dernière fois, dans la cour. Lui, je le connaissais déjà mieux que le premier, et reconnaître un visage familier parmi cette cohue avait quelque chose de rassurant. Et le grand blond un peu flippant semblait avoir abandonné sa réserve pour aller faire le mariole sur la table avec l’autre détenu.

Tellement de bonne humeur, c’était normal après tout, c’était Noël. Et un Noël se devait d’être joyeux pour tous, même pour des prisonniers. Enfin, selon moi, après, il est fortement probable que des tas de gens pensent différemment de moi. Ne sommes-nous pas des meurtriers, des voleurs, des terroristes, des monstres sans cœur ? Si. Je repérai dans le tas de cadeaux délivré par les gardiens une peluche de kangourou avec son petit dans sa poche. Et ça me frappa. Ma bonne humeur, transmise par la joie de tous ces autres gens, fondit comme boule de neige en enfer, à mesure que je m’apercevais de ma solitude profonde. Je n’avais pas de famille, et pas non plus de vrais amis, j’étais résolument seule. Et c’était ma faute. A force de faire chier mon monde et d’envoyer paître tous ceux qui cherchaient à se rapprocher de moi… On récolte ce qu’on sème, n’est-ce pas ?

Oui, sauf qu’aujourd’hui plus que les autres jours, ça me tuait. C’était Noël, et je n’avais personne à qui envoyer une lettre ou quoi que ce soit. Retenant bravement quelques larmes pour ne pas paraître sous un jour différent de d’habitude, je m’approchai de la table où se trémoussaient les deux détenus sous le regard acéré des gardiens. Je profitai de ce qu’il n’y avait pas encore trop de monde pour subtiliser la peluche de kangourou. Le masochisme, encore et toujours, qui me poussait à me faire du mal, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Pourtant, si quelqu’un m’avait prophétisé un jour qu’une peluche me ferait souffrir, je crois que je me serais foutue de lui.

En sentant la fourrure synthétique contre la paume de ma main, la sensation de solitude se raffermit, me submergea comme une vague violente. Et puis merde ! Maintenant insensible à la bonne humeur dont les autres faisaient preuve, je quittai le réfectoire. Une fois dans le couloir, je me retranchai dans un coin isolé et m’assis, genoux repliés contre la poitrine et les bras autour des tibias. Bon sang, pourquoi est-ce que ça me prenait maintenant ? Je jetai un coup d’œil à la peluche, qui semblait me regarder de ses petits yeux brillants et vides. L’espace d’un instant, je fus tentée de la balancer pour ne plus la voir… Mais ç’aurait été la solution de facilité, la solution de faiblesse. Alors je me contentai de la ranger dans une poche et de réfléchir quelques instants, alors que j’entendais le son assourdissant de la musique du réfectoire.

Pourquoi est-ce que ce sentiment de solitude me faisait autant l’impression d’un coup de poignard en plein cœur ? Pourquoi maintenant, et pas au moment où j’avais viré Anne, ma seule « vraie » famille, de ma vie, le jour de mon procès ? Et surtout, qu’est-ce qui ferait changer ça ?


Allez savoir pourquoi cette chanson me revenait maintenant, mais sa tonalité mélancolique me convenait à souhait. Seule à Noël, quoi de plus pitoyable… Mais j’y pense, il devait bien y avoir moyen de demander une petite faveur aux gardiens… La gorge serrée, je me relevai et rentrai dans le réfectoire pour me diriger presque tout de suite vers un gardien un peu moins antipathique que les autres.

-J’aurais… j’aurais une requête à formuler. S’il vous plaît.

Moins antipathique, certes, mais pas suffisamment pour faire preuve de gentillesse. Un simple regard lui suffit pour me congédier, du coup, je préférai me tourner vers celui qui, apparemment, avait l’oreille de quelqu’un de bien placé. Bah oui, sinon je crois pas qu’il aurait eu droit de ramener de la musique et de danser sur une table. Les détenus autour de lui et des quelques uns qui s’étaient joints avaient globalement l’air heureux, aussi, je me doutais que ma mine abattue serait remarquée, sinon ressentie comme un vague pressentiment de trouble fête. Je réussis à me frayer un chemin jusqu’au détenu aux cheveux noirs et m’arrêtai. Incapable de parler. Et c’était pas courant. Au lieu de ça, je m’approchai du rouquin.

-Salut. Tu… Tu saurais comment obtenir un cadeau de la part de l’administration ?

Et vu que j’arrivais de moins en moins à me contenir, et que de toutes manières, ma question était débile compte tenu des tas de peluches et de présents qui traînaient là, je décidais de m’expliquer.

-Parce que… C’est mon premier Noël seule. Vraiment seule. Je n’ai pas de famille et même si la solitude ne m’avait jamais gênée, je me dis que pour Noël, tout le monde, même les chieuses comme moi, devraient avoir le droit de parler à quelqu’un qui compte pour eux, soufflai-je d’une voix atone en baissant les yeux sur le sol.

Ouais je suis malade, très malade, malade de cette merde que personne n'est capable de définir. Ouais depuis des mois j'agonise seul, j'agonise en repoussant les mains que l'on me tend. La seule que j'ai accepté, celle de Keila, n'a pas donné de suite. Je me demandais même si elle n'était pas morte. Finalement, c'était peut-être mieux comme ça, elle n'avait rien à gagner à me venir en aide.

Ouais, j'étais malade. Mentalement malade. Mais en ce jour de Noël où j'aurais pu sombrement fêter ma première année en prison, tout me semblait aller mieux. La directrice avait jeté sa confiance sur moi, et j'étais ravi de pouvoir me lâcher enfin. Tous mes cauchemars, cette voix malsaine, ces hallucinations volaient en éclat au rythme de mes pas de danse. Et le plus encourageant dans tout cela était les autres détenus qui réagissaient positivement à mon spectacle.

Je fis un grand sourire au géant blond qui avait bondit sur la table à son tour. Il faisait vraiment flipper, c'était juste trop drôle de le voir danser sur une musique comme ça. Il me semblait que la magie de Noël avait vraiment traversé les villages pour venir frapper DearDeath et alors que j'appréhender les réactions, je me sentais bien. De toute manière, je commençais à me faire connaître ici, en bien ou en mal, mais mon prénom disait quelque chose à presque tout le monde. Deux tentatives d'évasions dont une travesti, des cauchemars jusqu'à en hurler et une taille de crevette comme la mienne, ça ne passait pas inaperçu.
Je me mis face au blond aux yeux atypiques et lui fis un clin d'oeil des plus explicites avant de sauter de la table alors que la musique changeait, restant malgré tout dans le même style.

Avant de rejoindre ma partenaire, une petite brunette se planta devant moi, paraissant totalement détruite, mais se détourna aussitôt. Cela m'interpella un instant, et je manquai de la rattraper pour lui demander pourquoi elle faisait cette tête. Non, sérieusement, elle n'allait pas gâcher le moment en tirant une tronche de trente mètres de longs ... C'était triste. Mais je me repris bien vite, porté par l'adrénaline du moment.

Encadrée de quatre gardiens, une femme d'une trentaine d'année aux cheveux châtains et à la tenue simple - afin de ne pas exciter les esprits pervers -, un t-shirt blanc et un jeans, m'attendait. Une légère boule de stress me prit à la gorge lorsque nos deux mains se joignirent. J'avais eu deux jours d'entraînements intensifs à la danse, pour apprendre cette chorégraphie par coeur, et même si je me moquais d'avoir l'air ridicule, je craignais de me planter. Après tout, c'était moi qui avait proposé l'idée à MccDaven, en pensant sincèrement qu'elle m'enverrait chier, et elle avait à ma grande surprise accepté, en me faisant promettre de ne pas faire le con.

Elle s'appelait Libella, et venait spécialement de Sacramento pour satisfaire les désirs de la directrice. Danseuse professionnelle, elle avait accepté apparemment avec plaisir, à condition d'être en parfaite sécurité. Et il n'y avait pas à dire, elle se démerdait vraiment bien. J'avais limite l'impression que c'était elle qui menait la danse et qui faisait de moi sa marionnette. Concentré, je ne savais pas si nous avions du public, mais j'étais persuadé que oui. Une charmante femme dans un pénitencier, même sans être vêtue d'une robe et maquillée, c'était assez rare. De plus, la chorégraphie que nous exécutions était assez complexe, moi-même en tant que spectateur j'aurais été impressionné.
Cela paraissait fou, voir complètement improbable. Après tout, nous étions dans la pire prison du monde, pourquoi une danseuse professionnelle se serait déplacée pour cela ? Les prisonniers allaient se jeter sur elle à la moindre occasion ! Et bien, figurez-vous que non. Peut-être étais-ce les gardiens qui les dissuadaient, ou la magie de Noël, mais elle ne fut pas agressée, et notre petit spectacle se déroula parfaitement bien malgré quelques trébuchements de ma part. Nous avions même eu droit aux applaudissements.

Je danse. Wahou. Je danse. Depuis combien de temps ne l'ai-je pas fait? Un milier d'année au moins. Peut-être plus. Beaucoup plus. Mais apparement, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, ça ne s'oublie jamais. J'ai toujorus eu une bonne maîtrise de mon corps et celui-ci s'agite tout seul maintenant. Un pas sur le côté, un autre, un saut, le tour était joué. J'aurais aimé avoir une partenaire. Mais soyons honnête, elle ne se serait amusée que le temps de la danse.
C'était pour cela que j'avais appris à danser en réalité. Pour charmer plus facilement celles qui...m'intéressaient. Qu'importe.

La musique change tandis que le brun endiablé me prévient qu'il change de danse, ou quelque cohse du genre. Je ne comprend jamais rien aux histoires de clin d'oeil et autre signe implicite. Qu'importe. Quand il saute de la table j'en fait de même pour aller retrouver ma raideur habituelle. Enfin, pas si habituelle car dans ma tête, mes pieds continuent de s'agiter.
Je m'approche des tables, couvertes d'objets curieux, quelle drôle de nappe. C'est... incongrue. Etonnement joyeux mais incongrue de voir toutes ces choses qui viennent du dehors, du vrai monde...
Je ne m'extasie pas longtemps sur les peluches et autres cotillons, quoi que j'en garde deux ou trois dans ma poche, on ne sait jamais.

Le brun a effectivement trouvé une partenaire. Une professionnelle vu son jeu de jambe excellent. C'est très perturbant de voir une femme ici. Certes il y a des humain de sexe féminin ici mais pas de Femme. De créature libre qui n'a psa le poid de cette horrible tenue de prison sur le dos. J'ai envie de lui faire mal, un peu. Mais laissons les danser pour l'heure, cela tournera mal bien assez vite, on est à DearDeath après tout, tout tourne mal.

C'est fou comme le pessimisme me revient dès que je recommence a être moi. Je m'échappe a nouveau en regardant les deux danseurs finir leur danse. C'était pas mal, pas mal du tout. J'applaudis avec les autres, plus par convention social que par réelle envie. Frapper ses pauems l'une contre lautre, en quoi est-ce une preuve d'appréciation?
Que faire maintenant? Je regarde certains détenus chercher a envoyer des cadeaux à leur famille. Je ferais bien de même mais ils sont mort. Un peu à cause de moi, il faut le reconnaitre.
Qu'étais-je censé faire maintenant? Finir mon repas? Surement pas. Disccuter avec les détenus? Ce n'était pas mon fort et je n'y voyais pas encore trop d'intérêt. Au final je m'assois dans un coin, sur le bout d'une chaise et je regarde la masse grouillante, ou peu s'en faut, des détenus. Certains ont l'air encore plus malheureux qu'avant, comme la jeune femme aux cheveux noir plus loin, elle caresse les peluches avec l'air d'une future suicidée. Allons jeune fille, tu n'obtiendras rien de la part des gardiens, même moi je le sais...