J'avais mal partout. Ma main me lacérer et je n'avais pas eu le temps d'enlever tous les morceaux de miroir. J'avais mal dormi. Ou non, je n'avais pas dormi. Il faisait trop froid, trop humide et je me torturais l'esprit avec ce souvenir. Mon père, ma mère. Une famille de tueur en faite. Enfin non, pas ma mère. Mon père et moi seulement. Mon père avait tué ma mère et moi, je l'avais tué. Par vengeance, par haine. Ce plaisir absolu de libération. Mais aussi, ce manque. Plus de proies. Plus de cadavres, plus de sang.

En réalité, je ne savais plus quoi penser. Meurtrière ou pas ? Je ne sais plus... Après tout, ce sentiment de haine, de meurtre envers Clay, me confirmer la chose. Meurtrière. Mais pourquoi aurais-je tué ? Là, j'avais une raison. Il avait tué ma mère. Pour les autres...j'en ai pas. Je suis sûr. Je ne l'ai pas tué. Je ne suis pas une meurtrière.

Pour le moment, là n'est pas la question. Les gardiens m'ont libéré 10 minutes avant ma surveillance au réfectoire. Pas le temps de prendre de douche, ou de prendre des bandages donc. Les prisonniers encore en cellule étaient surpris de voir une gardienne sortir de la salle de torture, ou l'art de perdre toute crédibilité et autorité. Je courrai donc en direction de la cantine. Je devais être surement dans un salle état. Du sang sur la joue et sur les mains à cause de blessure ridicule de ma part. Enfin bref. Juste des cicatrices en plus. Je me recoiffai vite fait histoire de pas être dans un sal état non plus, mais bon... Ça ne devait rien changé aux énormes cernes qui décorés le dessous de mes yeux. Le réfectoire n'est pas forcement dur à surveiller. Mais j'avais faim...Tres faim..

En entrant, je ne fis pas remarquer. Soyons discret..il ne faut pas que je m'attire des ennuis..et là, je rentrai dans un énorme détenu tombant à la renverse en arrière. Discrétion zéro. Et surtout bonjours l'arrivée.

"Alors gardienne..Non traitresse, ça te convient mieux! On ne regarde pas où on marche ? Tu as honte ?"

Je restai silencieuse. Ce con en me faisant tomber sur ma main, m'avait enfoncé un morceau de miroir déjà bien planté à la base. Connard, ça fait mal et j'avais surement dû me remettre à saigner.

"On répond pas? Et il me prit par le menton avec ses mains déguelasse.Tu t'ai fait mal traitresse? C'est les gardiens qui t'ont punie pour le scandale que tu as fait hier ? Ah oui, c'est vrai ! j'oublié! Ils t'ont enfermé dans la salle de torture !"

Salopards. Les rumeurs tournent vite. Tu osais te foutre de ma gueule ? Tu vas le payer. Je faillis hurler, ces cons de gardiens ne m'avaient pas rendu mes armes. Discrètement, j'arrachai le bout de miroir enfoncé dans ma main. Je me relevai doucement, sans ressentir la moindre émotion. Il portait une cicatrice à l'œil.

"Tu sais que tu es un salopard violeur d'enfant?"

Un grand sourire et claque. Le bout de miroir dans son bras.

"Maintenant, laisse-moi tranquille. Merci pédophile"

Son sang ne m'intéressa pas. Et je m'appuyai contre un mur en faisant semblant d'ignorer la douleur. Ce que je venais de faire faisait un mal de chien.

Le réfectoire ne ressemble pas vraiment à celui de mon ancienne université. C'est sûr qu'on ne risque pas d'oublier dans quel genre d'endroit on est. Murs de pierre, sol froid, tables et chaises en métal … Même les cuisiniers, eux-mêmes des prisonniers pour la plupart, rappellent le sinistre du lieu. Et je ne parle pas de la bouffe. Quel malheur pour un grand mangeur comme moi d'être tombé dans le milieu où la nourriture est la plus infecte au monde. Impossible de savoir si mon assiette contient de la purée, des pois chiche ou des pâtes.
Par manque de place, j'ai dû m'installer entre deux mastodontes tatoués de partout, et inutile de dire que j'ai à peine assez d'espace pour m'asseoir. Bien que les deux hommes ne fassent aucunement attention à moi, je prend un certain plaisir à essayer de taper la discute avec eux.

- C'est sympa, ici, hein ? Y'a une bonne ambiance. J'aime beaucoup le fait que nous nous regroupions tous pour manger, et tout ça, ça créé des liens. Une grande famille, j'ai envie de dire. Aha. Pourquoi vous êtes ici, vous ? Vous m'avez tout l'air d'être de braves gaillards, pourtant ! Enfin, ça ne veut rien dire. J'ai connu un mec, aussi mignon que vous, et en fait il avait tué trois personnes. Trois personnes, vous m'entendez ? C'est terrible. Se dire que des individus peuvent être dangereux pour la société, moi, personnellement, ça me fait peur, pas vous ? Vous vous sentez en sécurité, ici ? Parce que moi, pas ...

En même temps, je garde un œil sur D5087, qui vient d'entrer, un plateau à la main. Une brunette déboule et lui fonce dedans, finissant sa course par terre. Je reconnais les mèches de cheveux colorées d'Ombrage. Les deux personnages commencent à se prendre la tête. Assez drôle de voir une fille tenir tête à un mec qui fait quinze centimètres de plus qu'elle. D5087 n'a donc aucun respect pour les femmes, car il semble prêt à la frapper. Je dis pas que je suis un véritable gentleman, mais je n'irai pas battre une femme juste pour le fun.
Je me lève en rassurant les deux hommes :

- Je reviens très vite mes bouts d'choux !

Je discerne bien un « crève » tout ce qu'il y a de plus harmonieux dans la bouche de l'un des mecs, ce qui m'arrache un sourire.
Le règlement stipule bien qu'il est interdit de se mêler d'un conflit pour ne pas envenimer les choses, et ça, les autres détenus ont l'air de bien l'avoir compris, car aucun ne réagit. Néanmoins, je ne sais pas ce qui me dérange le plus : le fait qu'Ombrage, cette fille étrange et incroyablement énervante, mais pas non plus insupportable, se fasse agresser, ou le fait que ce soit elle qui agresse ma proie. Je ressens comme une pointe de jalousie : après tout, je l'ai choisi parmi tout les détenus, il serait appréciable qu'on me le laisse en un seul morceau !
Un cri déchire la grande salle. D5087 recule en geignant, le bras en sang. Bien ! Super, parfait ! Je ressens la violente envie de frapper, mais entre Ombrage et lui, mon cœur balance. Je fais quoi, au juste ? Pourquoi je vais vers eux ? Si je le protège, on va se poser des questions, et si c'est lui que j'attaque (ou si j'attaque n'importe qui, d'ailleurs), je me ferai neutraliser dans la seconde qui suit.

D5087 n'a pas eu l'air d'apprécier la petite riposte d'Ombrage. D'autres gardiens se sont approchés, mais aucun ne paraient prêt à survenir, comme s'ils n'attendent qu'à ce que l'homme attaque la jeune fille. Même les gardiens sont des connards.
Alors que ce qui se tenaient là s'écartent, je m'interpose nonchalamment entre les deux opposants, de manière à ce que je puisse garder un œil sur les deux. Je croise les bras, souris, et tourne la tête vers Ombrage :

- Tu m'as l'air dans une situation délicate, non ?

Elle tient sa main en sang, et je ne peux retenir un léger rire. Ça fait mal, hein ? Instinctivement, je ressers le bandage à ma blessure, et me tourne maintenant vers D5087 :

- Et toi, tu m'as l'air incroyablement énervé.
- Mêles-toi de ton cul le mioche.

Je prend un air faussement outré :

- Voyons, arrête tu vas me vexer. Dis, tu ne voudrais pas t'attaquer à un adversaire de ta taille, plutôt ?
- T'es con ou quoi ? C'est elle qui m'a planté ! Et tu crois tout de même pas qu'un gosse comme toi vas me dire quoi faire ! Dégage de mon chemin, je dois finir ce que j'ai commencé avec cette traîtresse.

Mais son bras a l'air de le faire souffrir énormément. Alors qu'il me repousse, je souris et pose ma main sur le morceau de verre enfoncé dans son bras, ce qui a pour effet de lui arracher un cri de douleur. Il m'assène un violent coup de poing dans la mâchoire, et je titube en arrière, sonné. Un filet de sang me glisse sur le menton. Balèze le mec, comme je les aime. Un rire de gamin s'échappe de mes lèvres, j'essaie de ne pas montrer à quel point il m'a assommé. Je vois trente-six chandelles, j'ai l'impression d'avoir fumé un gros joint. J'aurai préféré, je l'avoue.

D5087 ne fait pas trop le fier. Il n'a pas dû comprendre ce qu'il lui arrivait, en fait. Entre Ombrage, petite chose qui pleure facilement mais qui te défonce si tu l'énerve, et moi qui débarque de nul part, je pense qu'il s'est senti légèrement oppressé.  
J'espère qu'il ne sera pas trop énervé lorsqu'il reviendra de son internement, car il est costaud le bonhomme. Je ressens une pointe d'agacement à le voir me filer ainsi entre les doigts sans que je ne puisse rien dire.
Je tiens ma mâchoire douloureuse de ma main non blessé. À peine deux jours à DearDeath que je me voilà déjà dans un sale état. Si je ne me calme pas, d'ici une semaine je vais finir en fauteuil roulant, ou mort, au choix. J'espère que d'ici-là D5087 sera enfin à moi, et rien qu'à moi, sans qu'un quelconque gardien ne s'en mêle et ne me l'abime de nouveau. Je trouverai bien le bon moment. Je trouve toujours, et personne ne m'en empêche.  

En tout cas, je n'ai pas choisi le détenu le plus faible, il risque de me donner du fil à retordre. Quand le moment sera venu, la question sera qui entre lui et moi se fera massacrer le premier ? J'ai toutes les cartes en mains, il va perdre, il est trop faible mentalement. Enfin, Ombrage ne m'a plus l'air si faiblarde que ça. Un peu trop impulsive, peut-être. Toutes ses réactions sont facilement préméditées.

Deux frêles mains m'attrapent par les épaules et peine à me relever. Je suis encore légèrement dans les vapes, mais réussi à saisir ses paroles.

- Tu sais qu'il est interdit de s'interposer dans un dispute ? Tu voudrais que je t'envoie rejoindre ton petit copain ? Il m'a l'air de t'apprécier … Physiquement parlant. 

Le rejoindre ? Ma foi, se serait me faciliter la tâche, mais je n'ai jamais apprécié que tout me tombe tout cuit dans la main. Pour ma dernière victime, Kelly, je savais que son mari risquait de rentrer plus tôt, mais je pensais avoir assez de temps pour m'amuser un peu. Elle était fortiche, la petite femme, un peu comme Ombrage, elle avait la rage de vivre, et d'ailleurs il doit me rester des marques causées par ses ongles.  

Je frotte ma mâchoire endolori, ravi que D5087 ne m'ait pas cassé une dent. Ombrage serre sa main en sang contre elle, une grimace de douleur gravée sur le visage. Elle a sûrement frappé dans un miroir, ou une connerie de ce genre, le truc typique de la personne qui ne contrôle pas ses émotions.
Je plante mon regard dans le sien. Elle m'ordonne de retourner m'asseoir.

- Pour retourner manger ces trucs dégueu ? Non, merci. Je vais me mettre au régime, ou en grève de la faim, je pense.

Autour de nous, tout semble être revenu à la norme. Seuls deux gardiens nous observent en coin, au cas où le méchant Neil succomberait à ses pulsions meurtrières.

- Au fait, de rien. J'ai toujours aimé aider les gens. Je me demande si je n'aurai pas dû faire médecin. C'est ce que mes parents voulaient que je fasse. Tu m'as l'air d'avoir un beau bobo, tu veux que je t'accompagne à l'infirmerie ?

Elle me dévisage, cherchant probablement la sincérité dans mes paroles. À vrai dire, je n'ai qu'une envie, c'est de quitter ce réfectoire. Je n'ai pas que ça à faire, j'ai des projets qu'il faut que j'accomplisse avant de me faire tuer. Ou que je me tue accidentellement, ce qui est fort probable également.