La voiture s'arrêta et j'écarquillai les yeux d'incompréhension, fouillant le paysage du regard à la recherche d'une raison valable. Mais il ne s'agissait que d'une route, il n'y avait même pas un panneau pour annoncer un resto ou une aire de repos. Je regardai Keila au moment où elle se jetait dans mes bras. Je me raidis, mal à l'aise à cause de la situation. C'était une femme, maintenant que je le savais je ne pouvais qu'y penser. Je sentais le faible volume de ses seins contre moi et ça suffisait à me troubler. Je n'avais pas connu d'autres femmes que Caroline, pas intimement. Il n'y avait eu que ma mère pour me faire un câlin de ce genre en dehors de ma défunte épouse. Néanmoins, le doc réussit à me réconforter. Mes angoisses disparurent au son de sa voix grave. Mi-pote, mi-femme, c'était Keila.
Elle se décolla de moi pour me regarder droit dans les yeux et m'assurer que ma famille ne pouvait qu'être fier pour ce que j'avais accompli. Je lui souris faiblement, revigoré. En fait, je me sentais même prêt à reprendre le volant, mais Keila rattacha sa ceinture avant que je puisse le lui proposer.

« Okay, je penserai à toi alors. »

Même si je ne comptais absolument pas l'appeler en plein milieu de la nuit pour pleurer et lui dire que j'avais fait un cauchemar. J'avais fini par m'habituer à cette situation et apprivoiser mes problèmes intérieurs. C'était ce que mon psy avait voulu que je fasse et j'avais obéi.

« De rien, je ne faisais que mon travail. »

Même si c'était quand même très gratifiant.
La voiture démarra et nous roulâmes assez longtemps avant que je réclame à Keila une pause pipi. J'allais mieux, beaucoup mieux. Je ne me sentais déjà plus coupable pour mon crime. De toute façon, ce type devait être un criminel en puissance. Je m'étais assuré qu'on me passe un coup de fil le lendemain pour avoir des informations sur lui.

Pisser dans les buissons fut le sujet de notre dernier arrêt avant que la voiture ne tombe en rade. Je ne comprenais pas pourquoi, j'avais vérifié le niveau d'essence avant de partir du refuge. Nous aurions eut le temps de faire presque un aller-retour ! Paniqué, je me mis d'abord à tempêter contre Keila.

« Mais qu'est ce que t'as foutu bordel ! Ah c'est bien les femmes au volant, ça hein ! Je confie ma voiture UNE FOIS et voilà ce qui se passe ! »


Quelques minutes plus tard, Keila m'avait bien gentiment remis à ma place. Nous nous étions aperçus qu'il y avait un motel à quelques mètres. De là-bas, je pourrai appeler un garage et nous pourrions nous reposer dans une chambre en attendant. Je ne me faisais pas d'illusion, nous allions devoir patienter tout le reste de la journée et toute la nuit avant de reprendre la route. Voilà qui nous retardait énormément.
Je pris deux chambres au mec aux cheveux gras qui gardait l'accueil et nous montâmes l'étage avec nos maigres bagages. Heureusement que je prévoyais toujours le double de rechanges. Dans le couloir, j'achetai deux paquets de chips à un distributeur automatique et accompagnai Keila jusqu'à sa chambre. La mienne était en face. Et puis j'entrai dans sa chambre aussi. Pour... Et bien pour pas grand chose, sinon échanger quelques dernières paroles. C'était le milieu d'après midi et il n'y avait absolument rien à faire dans le coin.

« Je vais appeler le mécano. »

Quelques minutes plus tard, j'avais l'assurance que quelqu'un allait venir le lendemain matin. Joie... Puis, je me tournai vers Keila pour lui annoncer la « bonne » nouvelle.

« On va devoir s'embêter un moment ici. »

Mal à l'aise, je me mis à tripoter mon téléphone, le faisant tourner dans mes mains. Je compris soudain pourquoi j'avais choisi Keila jusque là. Je n'avais pas envie de la quitter, voilà tout.
On n'arrêtait pas de me dire que je devais me trouver quelqu'un maintenant. Keila était sympa, pas désagréable à regarder et on s'entendait bien. Bien sûr, elle n'était pas assez féminine pour oser espérer plaire à mes parents, mais ce n'était pas l'essentiel. Elle possédait ce que j'avais besoin de retrouver chez ma compagne de vie : du cran.

« Si tu veux, je peux... Rester ici. Avec toi. »

Gêné, je refusai de regarder le visage de Keila, espérant qu'elle avait compris et priant pour qu'elle voit ça comme une blague ou tout autre chose. J'essayais aussi de ne pas fixer le lit.

Les doutes, cette plaie insidieuse qui semble superficielle mais qui peut s'avérer mortelle. Je ne sais plus ce que je veux. D'une part, comme tout le monde, je veux une famille. Je veux avoir des gosses, un jour et je commence à me demander si ce jour n'est pas arrivé. J'ai bientôt trente deux ans, j'ai une situation stable et j'ai envie de profiter de la vie. Être papa a toujours été un de mes rêves mais je ne sais pas si j'en serais capable. Est-ce que je serais capable d'être aimante envers mon partenaire et envers mon enfant ? Est-ce que je pourrais renoncer à mes éternelles soirées devant la télé à regarder les périples de mes personnages de séries préférées ?
D'un autre côté, je sors avec Ombrage et il est tout à fait possible que je sois amoureux d'elle. Je ne sais pas trop, on a rien fait en couple depuis ma demande et pour cause, elle est à moitié détenue. Elle risque de changer son statut en ''détenue dangereuse'' à n'importe quel moment et l'avenir est incertain avec elle. Qui plus est, elle est beaucoup plus jeune que moi et je ne suis même pas sûre qu'elle n'ait pas accepté de sortir avec moi pour me faire plaisir.
Et je me suis sentie tout chose quand Georges m'a dit qu'il penserait à moi. Je ne sais pas quoi penser de tout ça en tout cas. Est-ce que je suis une mauvaise personne ?
Je pense que je devrais être là pour Georges, quoi qu'il en coûte, ça c'est sûr. Mais est-ce que je devrais être là en tant qu'amie ou autre chose ? Aaah saloperie d'horloge biologique, je suis plus sûre de rien. Je suis en couple avec Ombrage et je ne vais pas la lâcher comme ça. Je dois discuter de l'avenir de notre couple avec elle et je suis sûre qu'elle va me rassurer, proprement, simplement, comme n'importe qui. Ouais, c'est bien ça comme plan. Je souris doucement en fixant la route. Je ne dois plus y penser.
Je repense à mon cauchemar et à tout ce sang que j'ai sur les mains. Oui, j'ai sauvé pas mal de personnes mais au final, j'en ai tué aussi. Par manque de matériel, par manque de temps, par manque de volonté. Oui, j'ai déjà abrégé la vie d'un détenu par manque de volonté. Un pédophile qui avait séquestré trois petites filles et un petit garçon dans sa cave. Les quatre enfants se sont suicidé peu après leur libération après dix ans d'enfermement et de mauvais traitements. Je ne suis peut-être pas fait pour ce métier. J'ai entendu dire que le village cherche un médecin traitant, je devrais peut-être postuler. Ou retourner chez moi.

Après un arrêt pause pipi, nous reprenons la route pour caler. Je soupire doucement et je sors de la voiture qui fume légèrement. Quand j'ouvre le capot, Georges se met à me crier dessus et je lui hurle dessus à mon tour.

« Ton bouchon de vidange était mal mit et on a coulé une bielle, voilà, arrêtes de m'accuser, espèce de macho sexiste et arrièré ! »


Une chambre de motel un peu miteuse, un couple de personnes de sexe opposés, une panne de voiture, on dirait un vieux scénario de films d'horreur. Moi je suis prête à faire feu si nécessaire hein ! J'ai toujours mon petit colt sur moi, celui que j'ai emprunté à Irvin. Je soupire en passant un coup de fil à Ulrick pour lui demander de prévenir tout le monde que je reviendrais pas tout de suite.
Quand Georges revient, je soupire doucement et hoche la tête. On est pas si loin en plus ! Je hoquette à sa dernière phrase et je souris en lui faisant signe de s'asseoir à côté de moi. Je ne porte plus que mon débardeur et mon jean dans cette chambre surchauffée et il pourrait croire que c'est une proposition mais non !

« Je peux te parler d'un truc ? »

Sans lui laisser le temps de répondre, je soupire et commence à parler en fixant le plafond.

« J'ai ...un problème. Je suis en couple tu vois, avec Ombrage. Une gardienne grande comme ça, je sais pas si tu vois qui c'est. Enfin bon, quoiqu'il en soit, on fait jamais des trucs de couples et elle est toujours très secrète avec moi. Et hm … j'ai quelqu'un d'autre en vue mais tu vois, je crois que je pourrais avoir un avenir avec cette personne. Je sais pas quoi faire, si je dois céder à mes envies de familles et tout et aller avec cette personne ou rester avec Ombrage même si elle est à moitié détenue et que j'ai aucun avenir de vivre avec elle un jour puisqu'elle quittera jamais la prison. »

Après un silence durant lequel je reprends ma respiration, je reprends.

« T'en penses quoi ? »

Je peux pas lui dire que la personne c'est lui !

J'avais peur de la réponse mais je me retrouvai bien frustré quand Keila préféra se mettre à me parler d'autre chose. Je m'assis à côté d'elle, comme elle me le demandait. Nos cuisses étaient à plusieurs centimètres de distance. Je ne voulais plus avoir aucun contact avec elle maintenant. J'avais trop peur qu'elle me saute dessus ou qu'elle m'envoie balader. Maintenant que j'avais soulevé l'idée, elle me semblait vraiment trop mauvaise.
Le doc me parla de son couple. Oh bien sûr, elle était en couple. Tous mes espoirs disparurent. Et avec une fille en plus. Je bugai quelques instants en pensant à Ombrage, que je connaissais tout de même un peu. Ombrage donc. Oui. Une fille. Avec Keila. Une fille aussi. Je n'avais plus que... zéro chance de lui plaire maintenant.
Et puis elle aborda le sujet de l'avenir, de la famille. Et une autre personne. J'étais à environ moins dix maintenant. J'avais deux rivaux. Ou rivales plutôt. Je braquai mon regard sur mes chaussures, essayant de faire taire toutes ces raisons qui me poussaient à proposer à Keila de fonder une famille avec elle. En plus, j'avais déjà des enfants, elle n'aurait même pas besoin de les porter ! Mais tout ça c'était vraiment stupide, irréalisable. Fou.

Je frottai mes mains l'une contre l'autre, le regard rivé sur le parquet usé, quand elle me demanda ce que je pensais de tout ça.

« Je pense... Je pense que tu devrais en parler avec Ombrage. Pour le peu que je la connais, je dirais que c'est une chic fille. Elle mérite qu'on la respecte. Si tu ne te sens pas bien avec elle, quitte la. Mais la fidélité c'est important. Si tu commences à aller voir ailleurs alors que c'est pas clair avec elle, tu vas commencer à t'embourber dans des problèmes à la con. »

Sans regarder Keila, je me levai. Au fond de moi, j'étais vraiment fâché, mais je n'étais pas certain de savoir contre qui.

« De mon avis, tu devrais pas traîner avec elle si c'est une détenue, mais c'est ton choix de vie. Je pense que tu serais mieux avec un homme. Voilà ce que je pense. »

Je sortis ensuite de la chambre sans lui laisser une occasion de me rattraper et refermai calmement la porte derrière moi. Sans ralentir, je me rendis dehors et appelai la maison pour prévenir de mon retard. Au moins la nounou pourrait veiller sur eux. J'entendis Karen supposer que j'avais fait une rencontre romantique, ce qui me rendit assez malheureux finalement. Et puis je raccrochai, me laissant dans le silence et la solitude. Adossé contre le mur du motel, je regardai le ciel qui s'obscurcissait de minute en minute. Parfois, une voiture rompait le silence en passant sans s'arrêter. Cet endroit ne devait pas faire beaucoup de chiffre. A moins que tous les tueurs en série du coin se retrouvent ici à la nuit tombée.
Oui, je me sentais furieux. J'avais l'impression que Keila n'avait pas joué franc jeu avec moi et m'avait laissé avoir des sentiments pour elle. Sauf que c'était complètement stupide. Le fait que nous ayons partagé des moments à deux était dû au hasard. Ou à l'enchaînement des événements. Mais en aucun cas elle n'avait prévu tout ça. C'était moi qui avait sans doute un peu trop assimilé qu'il me fallait une femme en vitesse et Keila était arrivée, comme entourée d'un halo de lumière divine. La femme au fusil. La femme qui connaissait la mécanique. La femme qui aimait les gros chiens. La femme parfaite pour moi.

Je jetai mon mégot par terre avant de l'écraser, l'enfonçant dans les gravillons qui formaient une vague entrée, puis rentrait à l'intérieur. Il commençait à faire trop froid et j'avais faim. Un délicieux paquet de chips m'attendait sur mon lit. Après réflexion, je me souvins qu'il était toujours dans celle de Keila et allai toquer à sa porte.

« Kei ? C'est moi. T'es là ? J'ai la dalle et... J'ai laissé la bouffe ici. »

Keila m'ouvrit en souriant et je ne pus m'empêcher de lui rendre la pareille. Le fait que je veuille me nourrir d'un paquet de chips sembla la révolter et elle me proposa plutôt de commander une pizza. J'aurai dû refuser mais elle m'en laissa à peine l'occasion et puis j'avais vraiment trop envie de cette pizza, maintenant qu'elle avait été mentionnée. Ce choix m'obligeait donc à rester avec elle. Dans sa chambre.
Je pris place sur le bord du lit en essayant de rester poli malgré les circonstances. Keila saisit son téléphone pour commander notre repas. Ses choix étaient bons, même si ce n'était pas ce que je mangeais habituellement. Mais nous étions en voyage, il fallait en profiter pour changer. Nous restait ensuite quinze minutes à tuer. Je regardai Keila se poser pas loin de moi et tentai de ne pas montrer mon malaise.
Je ne compris pas tout de suite pourquoi je ressentais ça, alors que jusque là, je n'avais pas eu ce problème. Jusqu'à ce qu'un coup d’œil un peu plus appuyé sur sa poitrine me mette sur la voie. Elle avait soudain de plus gros seins et sa chemise blanche était assez fine pour laisser deviner qu'elle ne portait pas de soutien gorge. Est ce qu'elle faisait pareil pour son autre dessous ? Je déglutis et détournai le regard. Bordel, si elle me draguait... Non. Non, non et non. Je ne serai pas la cause d'un adultère. C'était mal, autant dans la religion que dans la morale publique. Alors non.

« Mais de rien, » répondis je précipitamment quand elle me remercia pour ma gentillesse.

Il fallait que je trouve un moyen de sortir d'ici. Je ne pouvais tout de même pas me laisser avoir par les charmes d'une femme ! J'étais tout de même plus fort que ça.
D'un mouvement trop brusque, je me levai.

« Je dois aller... faire un truc... dans ma chambre. Je reviens. »

Au moment où j'allai ouvrir la porte, quelqu'un toqua. La pizza, déjà ? Avec un léger haussement d'épaules, je fis jouer le battant et me trouvai en face d'un homme qui avait l'air de travailler ici et d'être d'origine mexicaine. Il força un peu le passage en arborant un sourire poli et je sortis, comme il voulait visiblement parler avec Keila. Je refermai la porte derrière moi et, poussé par un instinct que je ne m'expliquais pas, collai mon oreille près de la serrure pour écouter.

« Si tu crois que j'ignore ce que t'as fait, sale pute. Tu vas payer pour mon frère. Je t'avais pourtant laissé une chance de t'excuser, ou au moins d'avouer ce que t'avais fait. »

Je ne savais pas s'il était armé ou même quel était son plan, mais ça n'avait pas d'importance. Je devais intervenir. Mais la poignée joua dans le vide. Ce salaud avait fermé à clefs dès que j'étais sorti, sans doute.
Alors que je m'acharnai pour ouvrir la chambre, un type en anorak avec une casquette de couleur vive et accompagné d'une délicieuse odeur d'oignons se présenta à côté de moi.

« Heu... Pardon mais j'ai une livraison... »

Born ♪ Dammit!!!! (live)

Tout s'était bien terminé. Du moins, sans mort, ce qui était une bonne chose. Je commençais à saturer de ces merdes. Nous étions dans la voiture, je conduisais et je nous savais très proches de la prison. Il devait nous rester une vingtaine de minutes, peut être un peu plus. Nous ne conversions pas. Je supposai que c'était le choc de la veille. J'avais osé penser à du romantisme et nous nous étions encore une fois retrouvés dans une histoire sordide. Etais je condamné à souffrir ? Ou bien était ce le combo GI/Keila qui créait des situations toujours plus rocambolesque. Je pensai soudain que si jamais nous venions à nous marier, nous n'aurions jamais une vie tranquille. L'assurance de ne jamais s'ennuyer...

Peut être était ce le silence pesant. Peut être était ce juste la proximité de la prison qui lui donnait un sentiment d'urgence. A moins qu'il lui ait fallu tout ce temps pour trouver le courage de se lancer. Toujours est il que Keila me déballa toute son histoire avec ce type qui nous avait attaqué à l'auberge. Ca avait été une sacrée coïncidence, tout de même, de tomber sur lui dans un endroit si reculé.
Elle s'était rendue coupable à bien des égards au sujet de ce Do Santos. Pourtant, je n'arrivais pas à mal la juger. Elle n'avait fait que ce qui lui avait paru le plus juste. Pire encore, je ne l'en appréciais que plus. Un pâle sourire éclaira brièvement mon visage en même temps qu'un rayon de soleil matinal. Nous avancions vers l'est, heureusement mon pare-brise était teinté.
Je hochai la tête, les lèvres serrées, mais ne dis rien. Je supposai que je m'en voulais un petit peu de ressentir ce positivisme.
Et puis, elle m'annonça sa grande décision et une boule de rejet se forma dans mon ventre. Je pressai brusquement le frein, les yeux écarquillés, avant de reprendre une allure normale. Keila allait s'en aller. Et je n'avais même pas le droit de protester. Là encore, je ne dis rien. Ce n'étaient pas mes affaires.

Je me garai tranquillement dans le parking de la prison, après avoir montré mes papiers au gardien de service à la porte. J'éteignis le moteur et restai les mains sur le volant un instant. Silence. Seuls quelques oiseaux gazouillaient pas loin. On entendit une grille de cellule s'ouvrir, quelques bruits de couloirs...

« Bon courage pour ton départ, fis je après une grande inspiration. Si tu as besoin d'aide pour ton déménagement, n'hésite pas à me demander. »

Je détachai ma ceinture et sortis de la voiture. Lorsque Keila fut dehors, elle aussi, je fis biper la fermeture automatique des portières. Nous nous rejoignîmes, pour entrer dans le bâtiment. Nous étions à l'abri des regards. Il me suffisait de me lancer. Tout en moi hurlait la même chose.

Je cédai à quelques pas de nous retrouver à découvert. Je saisis son bras et l'embrassai. Ce fut très léger, un simple contact des lèvres. Mon visage était tout crispé et mes yeux étroitement fermés. Un bruit de pas m'obligea à m'éloigner d'elle, j'essuyai ma bouche d'un revers de manche. Un gardien que je connaissais vaguement rentrait chez lui après son service nocturne. Il nous salua tout à fait normalement, ce qui me rassura. Il n'avait rien remarqué.

A partir de là, nous ne fûmes plus seuls. J'avais raté une occasion, soit de faire plus, soit de ne rien faire du tout. Cette situation me déplaisait au plus haut point. Mais elle allait très probablement rester ainsi pendant un moment.