Je l'ai fait ! Ouais !

C'était ce que je me disais, sur le seuil de la salle de musculation. La porte dans mon dos était fermée et une salle entièrement vide s'offrait à moi. J'avais osé et cela avait payé. Je devais avoir trouvé, sans le savoir, le jour interdit aux détenus. C'était donc le mardi. Moi qui n'avais jamais aimé les mardi, pour une raison totalement inconnue. Maintenant, j'allais aimer tous les jours de la semaine.
Je fis grincer mes tennis neuves jusqu'au sac de boxe et réajustai mon long débardeur noir après avoir récupéré les gants qui gisaient au sol. Ces derniers devaient être pleins de sueur à l'intérieur, mais j'avais prévu le coup. Mes mains étaient enroulés dans des bandes de tissu maintenues au niveau du poignet par un élastique.
Lorsque j'eus enfilé les gants, je grimaçai. Oui, l'intérieur était plutôt moite. Mais je devais m'y faire. Je ne pouvais me payer le luxe d'avoir du matériel dans ma chambre. Pour la simple et bonne raison que je n'y vivais pas seul. Un gros sac de sable en plein milieu de la pièce aurait fait mauvais genre.

Après m'être assuré que j'étais bel et bien seul, je commençai à frapper. Il suffit de quelques secondes pour que mon esprit commence à se vider de tout ce qui le tracassait depuis deux semaines. Spirituellement détendu et de bonne humeur, je donnais un gros coup dans le sac et alors qu'il revenait dans ma direction, le frappai à nouveau. Je sentis mes doigts plier un peu sous la pression, mais les articulations tinrent bon et la cible retourna d'où elle venait à vive allure. Heureux d'avoir pu renouveler mon petit tour de force, je mis du temps à me rendre compte que quelqu'un était entré dans la salle. Un nœud commençait à se former dans mon estomac alors que je tournai déjà la tête pour jeter un coup d’œil par dessus mon épaule. Des gardiens ? Oh oui, l'endroit leur était réservé le mardi. Suivis de détenus. Merde.
Un choc à la tête me jeta au sol, m'étourdissant. Je levai les yeux et vit le sac de boxe se balancer devant moi. Je m'étais laissé distraire au point de l'oublier...
Je me relevai en espérant que personne n'avait rien remarqué, calmai le jeu du sac volant et repris mes petits coups standards. En fait, je n'étais pas venu le jour réservé aux gardiens. J'étais simplement venu trop tôt. Finalement, je détestais toujours le mardi.

Mon instinct primaire me hurlait de toute la force de ses poumons fictifs de ma barrer d'ici en vitesse, mais montrer ma peur aurait été stupide. Je serai devenu la cible de moqueries et pour peu qu'on me reconnaisse ensuite, un bouc émissaire. Le type qu'on aimait bien emmerder. Il me fallait donc compter sur mes bras en sueur aux muscles exposés et à mon cache-oeil noir pour donner l'illusion que j'étais « trop badass ». Avec de la chance, personne ne viendrait m'emmerder. J'allais rester une petite demi-heure et rejoindre les vestiaires, me mouiller les cheveux vite fait pour faire croire que j'avais pris une douche en toute tranquillité et me casser. Après tout, j'étais bibliothécaire et travaillais aujourd'hui, il était normal que je ne reste pas bien longtemps.
Je ne pouvais m'empêcher de surveiller l'heure sur la vieille horloge en plastique qui ornait l'un des murs de la salle. Le temps passait si lentement... Est ce que cette machine n'était pas cassée ?
Quelqu'un passa tout près de moi. Je fis semblant de rien mais lui jetait un discret coup d’œil. Un détenu ! … Il me croisa sans même me regarder et rejoignit un banc de musculation. Un soupir de soulagement surgit de ma bouche et je fis passer ça pour les conséquences de mon effort physique.

Bon sang... Allez Ulrick, me dis je. Plus que dix minutes.

Je commençais à douter du mécanisme de cette horloge. De prime abord, elle n'était déjà pas rassurante. Le cadran était fêlé et ce qui semblait être une giclée de sang séché reliait le « 2 » au « 8 ». Mais il ne s'agissait sans doute que d'un tour de mon imagination. Il était difficile de différencier cette fameuse tâche des autres.
Au bout d'un moment, je me mis à fixer le cadran numéroté. Bien sûr, pas de trotteuse pour m'aider. Ca faisait bien une minute, là, que je frappais le sac sans vraiment y faire attention. D'ailleurs, je finis par ne plus le sentir sous mon poing. Intrigué, je reportai mon attention sur ma cible et me le pris en pleine figure. A nouveau.
Pour la seconde fois, je me relevai, sans plus espérer que personne ne m'avait remarqué. Quelques rires retentirent près de moi et, dans un élan couillu, je levais le bras avec ce que j'espérais faire passer pour de l'humour. La rumeur s'éteignit, avec l'aide de quelques gueulantes de gardiens, et je repris mon exercice, le rouge aux joues. Heureusement, l'effort avait déjà coloré mon visage, humide de sueur.
Une fois sûr que plus personne ne s'intéressait à moi, je recommençai mon petit manège avec l'horloge. Cette fois en comptant dans ma tête. J'étais à présent quasiment sûr qu'elle était cassée.
Une voix s'éleva dans le brouhaha viril et je tournai l’œil en direction de sa provenance. Un homme me fixait. Je ne pouvais plus l'ignorer en faisant semblant de ne pas l'avoir entendu. Le détenu – ses couleurs témoignaient de son statut – me donna tort sur un point : quelqu'un s'intéressait à moi. Par contre, il m'était effectivement impossible de connaître l'heure en consultant le mur. Moi qui croyais à un simple effet de mon imagination.

Hésitant sur la conduite à adopter, j'ouvris la bouche, sans rien dire dans un premier temps. La politesse me poussait à remercier ce monsieur et m'adresser à un gardien. Mais dans de telles circonstances, je n'étais vraiment pas sûr de moi. Je finis par me décider à hocher la tête et me raclai la gorge pour pouvoir parler normalement.

« Ouais, c'est bien ce que je pensais. »

J'ôtai les gants de boxe et les jetai au sol, avant de m'essuyer le front des bandelettes qui recouvraient mon poignet. De la sueur s'était infiltrée sous mon cache-oeil et la peau qui était cachée dessous me picotait. J'allai devoir rincer ça au plus vite.
Me détournant du prisonnier sympa, je me dirigeai vers le premier gardien venu. Puis me détournai vaillamment, intimidé par son air patibulaire. Le pauvre, je le jugeais uniquement sur son physique alors qu'en vérité, il était sans doute très gentil. Et normal. Dans tous les cas, je m'adressai à quelqu'un d'autre, qui me confirma qu'il était en réalité près de seize heures. Ah ouais...
Après l'avoir remercié, je traversai la marée humaine, composée essentiellement de mâles. Ou peut être exclusivement, je ne fis pas assez attention pour cela.
D'ordinaire, j'aurai dû étudier les corps mis au travail tout autour de moi. J'avais beau paraître naïf, en fait je ne faisais pas que le paraître... Bref, malgré mon caractère effacé, je ne me privai pas de reluquer les hommes bien fait qui passaient près de moi. Et là, j'avais pas mal de possibilités. La plupart se maintenaient en forme et, même si les visages ne suivaient pas, j'avais de quoi fantasmer. Sauf que pour quelqu'un de ma trempe, le délire de la prison n'était absolument pas excitant. Ce fut donc sans aucune montée d'hormones que je rejoignis le minuscule vestiaire.

Les lavabos n'étaient guère engageant, mais l'eau était claire. Je retirai donc mon bandeau et me rinçai le visage à grandes giclées. La température était glaciale et cela me fit le plus grand bien. Je tournai la tête vers la douche ouverte, cachée de la porte par une demi-paroi qui avait morflé. J'étais tenté. Mais renonçai. Je n'avais pas de rechange. Il me faudrait repasser par ma chambre avant de retourner travailler.
Après avoir essuyé l'intérieur de mon cache-oeil sur l'intérieur de mon débardeur, je le remis en place et étudiai mon reflet dans le miroir moucheté.

« Est ce que la peur se voit vraiment ? » marmonnais-je pour moi même.

VAMPS ♫ Sex Blood Rock n roll

J'étais tellement axé sur moi que j'aurai pu louper la moindre personne qui ne se tiendrait pas assez près de moi pour se refléter dans le miroir. Et bien sûr, ça n'avait pas loupé. J'étais en train d'angoisser, les mains sur le lavabo, les bras étirés en appui dessus. J'étais penché légèrement en avant, pour mieux voir mon visage et ses petits défauts, que je m'imaginais certainement pour la plupart.
Je sursautai violemment, au point de faire un réel bond en arrière, avec les pieds qui décollent complètement du sol. Je posai une main sur mon cœur tout en repensant à ce que cette... Fille... Venait de me dire. Oui, ça se voyait que j'avais peur ? Alors je ne sortirai pas d'ici avant que tout le monde se soit barré, c'était décidé.
Elle posa sa main sur mon épaule et je baissai instinctivement les yeux sur ses doigts. C'était un réflexe dont je ne pouvais pas me défaire, même si je me doutais qu'elle n'avait pas des tentacules ou des griffes au bout du bras. Après m'être assuré que ses ongles peints en noir un peu à l'arrache ne pourraient pas m'occasionner le moindre mal, je relevai la tête vers mon interlocutrice. D'ailleurs, je ne lui avais toujours pas adressé un mot. Je me contentai de la regarder comme si j'étais un demeuré. Elle me sourit et je me sentis me détendre un peu. Elle n'était pas détenue ici. De toute évidence, c'était quelqu'un de haut en couleur dans la vie, qui n'avait pas froid aux yeux et probablement un peu sans gêne pour venir me parler comme ça.
Alors, elle me rassura. Et je retrouvai un peu foi en l'humanité. Je fis une petite moue et tournai la tête vers les miroirs. Je devais effacer cet air terrifié qui ne m'allait pas du tout. J'étais à DearDeath. Je devais prendre sur moi, arrêtez d'être le petit Ulrick tout timide qui rase les murs et se noie dans les ombres. Je devais avoir une présence réelle et solide, ou les ombres finiraient par m'avaler définitivement. Je saisis sa main droite et la serrai amicalement.

« Ulrick Gantley. Je suis le nouveau bibliothécaire. »

Les présentations faites, je m'intéressai un peu plus à l'accoutrement de la fille. Je gageais que pas mal de monde devait la prendre pour un garçon, ou ne pas savoir quoi décider. Dans l'absolu, je m'en foutais assez du moment que ce n'était pas pour baiser. Mais justement à cause de mes tendances plutôt strictes et de mon expérience de l'androgynie, j'avais directement compris qu'elle et moi ne partagerions jamais un lit. En tout cas pas tout nus. Ou alors juste pour dormir. Ou alors je serai vraiment très très très très très bourré.

« Vous faites de la boxe vous aussi ? »

J'avais immédiatement reconnu les bandages aux mains. Ca pouvait aussi servir pour l’haltérophilie mais la manière dont elles étaient nouées me rappelaient vraiment trop ma propre façon de faire.

A ma suite, elle se présenta. Elle était médecin ici et l'apprendre me surprit énormément. Elle n'avait pas vraiment le look traditionnel du métier. Elle semblait jeune et rebelle, avec un style décalé. Et puis, son sexe n'était certainement pas le plus représenté de la profession. Enfin, elle était à l'opposé de tous mes fantasmes médicaux. Je haussai les sourcils en l'entendant mais ne dis rien. Je n'avais pas non plus l'esprit étriqué et je ne pouvais la juger sur son travail avant d'en avoir fait les frais personnellement.
Je souris assez franchement, en revanche, lorsqu'elle détailla un peu la façon dont elle pratiquait la boxe. Cela ressemblait beaucoup à ma propre façon de faire. Il y avait bien des années que je ne m'étais pas battu contre quelqu'un. Ca ne m'intéressait pas et je préférais simplement me défouler en martelant un sac en cuir.

« Oh, alors, vous êtes Ecossaise ? »

Cette information me rendit plus heureux que je ne l'aurai pensé. Il était vrai que je me sentais plutôt seul ici. Alors savoir qu'une voisine de mon pays pratiquait la boxe dans le même lieu de travail que moi était réconfortant. Après tout, je ne connaissais personne qui en vaille vraiment la peine encore. Personne ne s'était montré vraiment amical avec moi. Tout le monde me faisait même plutôt peur et je rasais les murs plus que jamais.

« Je viens moi même d'Irlande. Mais quand j'y pense, vous n'avez pas du tout un nom du pays. »

Il sonnait plutôt germanique et j'aurai d'ailleurs été bien incapable de le redonner de tête. Kei, puisque tel était son prénom, avait également un petit air asiatique, mais je me faisais peut être des idées. Je n'étais pas vraiment connaisseur du continent.

Après une brève réflexion, je décidai que la présence de cette jeune femme pouvait m'apporter de très bons bénéfices. Et en fait, ça allait sans doute régler mon petit problème. J'allais peut être pouvoir à nouveau pratiquer mon sport préféré sans redouter de me rendre à la salle de musculation. Parce que je ne serai plus seul.

« Est ce que cela vous dirait que l'on se retrouve toutes les semaines pour... Boxer ensemble ? »

Chacun sur un sac, ou en alternant. Quelque chose d'assez sympathique. Et ensuite, nous pourrions aller nous désaltérer en cuisine ou même prendre un verre dans le village d'à côté. Et puis, en imaginant toutes ces scènes, je pris la mesure de quelque chose.

« Heu... Je ne suis pas du tout en train de vous draguer, si jamais vous avez un doute. »

L'idée me semblait plutôt ridicule. Même si Kei se donnait des airs de garçon, je n'étais pas dupe une seule seconde. Jamais je ne pourrai envisager une telle relation.

Depuis un petit moment, un mec nous fixait par la porte que Kei avait laissée ouverte. Un gardien bien musclé, un peu trop pour moi même. Je ne savais pas vraiment ce qu'il nous voulait, mais je le voyais grommeler et franchement, je me doutais bien de ce qui se tramait dans sa caboche. Habitué à se genre de comportement, je décidai de l'ignorer. Ca valait mieux pour mon moral. Les rares fois où j'avais essayé de me défendre, ça n'avait fait qu'empirer les choses. Ces gens là refusaient d'être raisonnables, ils préféraient s'enfoncer dans leurs idées reçues.

Ainsi donc, Kei était... Ecossaise mais pas seulement. Elle était une jolie représentante du melting pot. Je continuai à lui sourire. Ca faisait tout de même du bien d'avoir ne serait ce qu'une Européenne dans le coin. Je n'étais pas à l'aise avec les Américains, qui avaient tendance à me juger. En tout cas, à DearDeath, d'après ce que j'avais pu constater.
Kei m'avoua qu'elle n'avait pas pensé un seul instant que je la draguais. Oh ? Vraiment ? Est ce que mon orientation sexuelle était si évidente ? Je devrai faire plus attention alors.

Et puis, d'un coup, sans prévenir, je vis Kei attraper une savonnette et la lancer en se retournant. L'objet se dirigea droit vers le visage du mec qui nous reluquait bizarrement depuis un bon moment. Il y eut un craquement, qui alerta toute la salle de musculation. Je plaquai ma main sur mon propre nez, par compassion, et grimaçai. Kei, elle, se contenta de lui hurler dessus, histoire d'en rajouter une couche. Cela fonctionna à merveille, puisque l'homme se retira, peu fier.
J'allais l'emmener partout avec moi, celle là. Une vraie arme anti-homophobes.

Sur son invitation, je me rendis jusqu'au sac de boxe et la regardai frapper. J'avais parfaitement conscience que la plupart des regards était dirigé dans notre direction, mais je m'en foutais assez pour une fois. Oh, j'avais toujours cette petite peur qu'il m'arrive quelque chose au ventre, mais ça allait. Je me disais que ce que tous ces gens regardaient, c'était avant tout Kei, parce qu'elle venait de faire une très forte impression. La voir frapper dans le sac jusqu'à réussir à le faire bouger devait aussi aider à l'admiration.
Lorsqu'elle en eut terminé, ce fut mon tour. Je me donnai à fond, histoire de ne pas passer pour un faible. Au bout d'un moment, je réussis à faire franchement vaciller le sac, mais évitai de me le prendre en pleine poire, comme tout à l'heure.

Alors que j'étais en pleine euphorie de l'exercice, en sueur mais content, quelqu'un eut la très mauvaise idée de me claquer la fesse. Je me retournai aussitôt et décochai au monsieur une droite qui le fit tituber en arrière. Surpris de ma réaction, je le regardai, les poings mollement levés. C'était un détenu, plutôt jeune et mignon, mais franchement... Ca ne se faisait pas !
Il se remit pourtant et nous rejoignit même avec un sourire, sous les rires de ses copains et de quelques gardiens (qui étaient peut être aussi ses copains après tout). Il se massait la mâchoire, là où il aurait bientôt un gros bleu. Devant sa bonne humeur évidente, je baissai ma garde et mes bras.

« Hey, sacrée force. Dis donc vous deux, ça vous dirait qu'on se retrouve tous les trois, tous ensemble, dans l'intimité, pour faire connaissance. »

Ses intentions étaient plus qu'évidente. Je savais que j'aurai dû l'envoyer bouler, parce que ce mec était un peu trop sûr de lui et que ça pouvait être un piège pour nous en foutre plein la tronche. Pourtant, tout ce que je réussis à faire fut de rougir violemment. J'étais affreusement gêné qu'on me propose une partie à trois en plein milieu d'une salle de musculation, alors que mon corps était plutôt à découvert. Tout le monde nous regardait. Je ne savais même pas si les gardiens auraient dû intervenir pour mettre fin à ce manège. Et si, ici, c'était permis ce genre de choses ?

« Je... Je ne sais pas... Heu... »

Kei, sauve moi !

Screw ♪ Dual assault

La violence n'était pas sensé tout résoudre, sauf apparemment pour Kei. Alors que je balbutiais mes hésitations, elle s'imposa et flanqua un magistral coup de pied au dragueur, qui s'effondra à terre, sous les rires bien moqueurs de ses soit disant copains. Je pensais que ça suffirait, que tout était réglé, mais pas ma nouvelle copine. Elle m'attrapa le visage sans que j'en comprenne la raison et me roula une pelle. Il s'agissait du genre de baisers que l'on faisait pour montrer au monde entier que l'on n'était plus seul et que oui, ce super canon qu'on trimballait partout était bien notre petit copain. Le genre de baiser où les filets de bave étaient apparents pour le commun des mortels, avec le détail des mouvements de langue.
Lorsque Kei me lâcha, je restai immobile, la tête vers le sol, en plein choc. Une fille venait de me rouler une pelle. Une fille... C'était la première fois. Mon premier baiser avec une fille. Et puis, je ne savais pas si c'était vrai ou juste un effet de mon imagination, mais c'était beaucoup moins bien qu'avec un mec. Je trouvais.
Rouge de honte, je fus soulagé quand tout le monde quitta la salle. Et puis le malaise remonta quand je me rendis compte que j'étais seul avec Kei. Merde, tout le monde allait s'imaginer des choses maintenant. Elle s'excusa en recommençant à frapper. Je me sentais mal de lui en vouloir, mais je ne pouvais pas effacer ce sentiment d'un claquement de doigts. Je soupirai et croisai les bras, l'air triste et contrarié.

« Ce n'est pas grave. Je veux dire, que tu m'aies embrassé, en soit, ce n'est pas grave. Ce qui me chiffonne, c'est que je ne tenais vraiment pas à ce que tout le monde pense que je suis gay. »

Car j'avais bien remarqué que tout le monde avait pris Kei pour un mec dans l'affaire. Et même si j'étais effectivement gay, je ne voulais simplement pas que ça s'ébruite.

« Maintenant je vais sûrement me faire charrier à tous les coins de couloir. Sans parler des agressions tripotage de la part des homos refoulés qui s'imaginent que tous les gays sont des salopes. »

J'arrêtai mes jérémiades en remarquant le geste de Kei. Je le connaissais bien par expérience personnelle : elle s'était fait mal à la main. Je me rapprochai d'elle et saisit doucement son poignet avant de défaire les bandes.

« Fais voir. »

J'examinai sa main en massant doucement, palpant l'état de ses os et de ses muscles.

« Tu devrai ralentir un peu pendant quelques temps. Et te masser avec une crème pour les coups. Ca te soulagera. »

Je m'arrêtai d'un coup et relâchai sa main, me souvenant qu'elle était médecin et que ce que je lui racontais n'avait certainement aucun intérêt pour elle.

« Désolé, tu dois déjà savoir tout ça. »

VIXX ♫ Only U

Kei m'avoua la raison pour laquelle elle avait mal à la main. Un malade de détenu l'avait mordue ! Mais enfin ! Je savais qu'ils étaient enfermés pour des actes hautement criminels, mais tout de même ! Ils étaient encore humains, non ? Oh, tout ça ne me rassurait absolument pas sur les suites de mon séjour ici. A nouveau, je me trouvai à deux doigts de donner ma lettre de démission. Surtout avec tout le harcèlement que je prévoyais.
Elle retira ensuite complètement ses bandes, dévoilant un bandage médical. Ca devait être assez grave tout de même. Le mec avait l'air d'y avoir vraiment mis du sien ! Est ce qu'elle l'avait insulté ou quelque chose ? Je ne la connaissais pas encore, mais ça lui ressemblait bien de vexer quelqu'un en le traitant d'un nom d'oiseau malheureux. L'insulte de trop, en quelque sorte... Ou alors il était juste complètement maboul.

« Tu as fait des tests pour être sûre qu'il n'avait pas la rage ? » m'inquiétais je.

J'ignorais si la rage pouvait se transmettre comme ça d'humain à humain et ma question était sans doute des plus stupides, mais si je ne l'avais pas posée, elle m'aurait turlupiné un bon moment.
Nous ne pouvions cependant pas rester sur son cas bien longtemps et elle commença à me faire la leçon. J'étais très gêné et vexé qu'elle essaie de m'apprendre la vie. Ca faisait des années que je vivais avec tout ça et j'avais réussi à plus ou moins m'en sortir en feignant parfois d'être un parfait petit hétérosexuel. Et voilà qu'elle voulait que je fasse tout le contraire ? Elle me balança que pour me faire respecter je devais... Imposer le respect. Captain Obvious. Mais même si pour elle c'était l'évidence même de lancer une savonnette dans la tronche d'un mec désobligeant, moi, je n'avais aucune envie de me bagarrer. Je ne voulais pas « imposer » le respect. Je voulais juste qu'on me foute la paix.
Elle me conseilla aussi, plus concrètement, de balancer une phrase bien sentie pour faire frémir dans les cellules. J'avais franchement envie de lui rétorquer que je ne voulais juste pas me donner cette peine, mais elle me marqua d'un avertissement qui résonna comme un écho à mes oreilles. Elle n'était pas la première à me dire ça. Elle l'avait juste fait avec moins de délicatesse.
Tétanisé par son flot de paroles trop rapide et rempli, Kei me réveilla d'un petit coup de poing dans l'épaule. Je battit des paupières et la regardai ouvrir son sac de sport. Elle se talqua les mains et se dirigea vers une barre verticale que je n'avais pas remarqué jusqu'ici. Ca alors, on aurait dit...
Lorsque Kei évolua sur la barre, j'en conclus que ma première idée était la bonne : il s'agissait bel et bien d'une barre de pole dance. Ouah... J'avais toujours voulu en faire ! Enfin, depuis que j'en avais vu une vraie en boîte de nuit.
Un peu timidement, je m'approchai et attendis qu'elle se fatigue visiblement. Je l'avait admirée pendant qu'elle faisait son spectacle. C'était plutôt impressionnant, même si elle n'était pas la plus douée, loin s'en fallait.

« Heu... Tu pourrais m'apprendre à faire ça ? »

Il y avait la curiosité qui me poussait à demander ça, mais pas seulement. Je me disais que ça pourrait toujours m'être utile, un jour. Si je devais séduire un mec dans un endroit équipé. Ca pourrait vraiment jouer en ma faveur ça, oh ouais ! Même le mec le plus difficile ne pourrait pas me résister !

Quelle joie m'emplit lorsque Kei accepta de m'apprendre à danser là dessus. Je m'imaginais déjà dans un costume tout pailleté, en train de séduire le mec le plus beau de la terre. Un type musclé, carré, grand, avec de magnifiques cheveux bruns et ondulés, et un regard noir transperçant. Et bien entendu, il aurait un bronzage impeccable, sur une peau naturellement brune. Ouais... Le type à dix lieues de mon Irlande natale. J'étais plutôt lassé des mecs de ce pays. Tous roux et pâles comme des culs, avec des physiques en allumettes. Pour les plus baisables. Ma musculature était plutôt exceptionnelle chez moi, je l'entretenais assez pour cela.
Ce fut avec une assurance très peu habituelle que je rejoignis la barre verticale après que Kei m'ait montré l'exercice et fariné les mains. Je fis face à mon challenge pendant quelques secondes, puis reproduisit les mouvements que j'avais vus un peu plus tôt. J'étais assez maladroit, du moins au début, et je dus m'y reprendre plusieurs fois pour y arriver. Mais à la fin, je maîtrisais l'escalier qui n'existait pas. Et j'étais fier. J'étais même impatient de faire des choses plus belles, qui me mettraient en valeur. Oui, comme un objet. Mais je n'étais pas contre.


Une heure plus tard, j'avais dit adieu à mon débardeur comme Kei l'avait fait avec son pantalon de jogging. Je m'étais désaltéré dans les vestiaires et quand je ressortis, mon visage et mes cheveux étaient trempés d'eau. Ce qui était mieux que la sueur, même si je n'échapperai pas à la douche.
J'allai ensuite m'asseoir par terre, contre un mur, pour reprendre un rythme respiratoire normal.
Cette petite séance m'avait fait le plus grand bien. Certes, je n'étais pas capable de faire des supers mouvements sexy, mais j'étais bien déterminé à les mémoriser à un moment donné. Pour le beau mâle de mes rêves ! Oh yeah !

« Alors, pourquoi tu as appris à faire tout ça ? Tu as travaillé dans un club de striptease ? »

Mon sourire s'évanouit presque aussitôt. J'avais sorti ça en tant que blague, mais c'était peut être la vérité. Si ça se trouvait, elle avait dû travailler dur dans un de ces trucs, voir même se prostituer, pour payer ses études de médecine. Un peu comme dans les films américains. L'horreur. Et dans ce cas, je l'aurai blessée sans même le faire exprès.
J'étais un boulet.

the GazettE ♫ Taion

J'observais Kei alors qu'elle me répondait, trempée. En voilà une qui ne s'embarrassait pas vraiment dans la vie. Pourquoi attendre de prendre quand on pouvait se rafraîchir directement à la bouteille ? Oh, c'était quelque chose que j'avais déjà fait bien sûr, mais dehors. Pas dans une salle fermée qui nécessiterait du nettoyage supplémentaire. Ce n'était sans doute pas très sympathique de la part de la jeune fille, mais je ne me sentais pas vraiment concerné non plus.
Elle m'apprit avoir commencé le poledance parce que le badminton ne la tentait pas. Je souris à cette explication. C'était un choix curieux, mais pourquoi pas ? J'avais aussi du mal à appréhender le fait qu'un lycée propose ce sport à ses élèves, mais j'ignorais tout de l'endroit où elle avait fait ses études.

« Oh, tu as un chat ? Je n'ai jamais eu de chat. Enfin, ni avec mes parents, ni tout seul. C'est... plutôt encombrant d'avoir un animal je trouve. »

J'avais déjà eu un chien quand j'étais petit. Mon frère l'adorait et je ne pouvais pas dire que je ne l'aimais pas, mais j'avais toujours gardé une certaine distance par rapport aux autres membres de ma famille. Sans doute que les animaux ne m'attiraient pas, tout simplement.
Je relevai la tête en sentant un poids s'abattre sur mon épaule. Il s'agissait de la tête de Kei, qu'elle avait fait tomber sur moi. Elle était donc si épuisée qu'elle ne pouvait assurer un minimum de maintien ? Je haussai le sourcil gauche mais ne la repoussai pas. Ca ne me dérangeait pas. J'espérais simplement qu'elle n'était pas en train de me draguer, parce qu'elle perdait son temps.
Elle me demanda pourquoi j'avais commencé la boxe. Une question à laquelle j'aurai sans doute du répondre du tac au tac, mais curieusement, la réponse me semblait bien plus difficile qu'il ne devait le paraître à Kei. Pourquoi ? Parce que. Je ne me souvenais pas vraiment de ce qui m'avait poussé à m'inscrire dans cette discipline, ou à demander à mes parents de le faire en tout cas. Je me grattai la tête de la main droite, perplexe.

« Et bien... Mon père m'y a inscrit. A cet âge, il était normal pour nous de faire un club de sport. J'ai choisi la boxe, sans doute parce qu'on me l'a vendue. Ou juste proposée. Je ne me souviens plus. Par contre, je me souviens que je n'ai pas du tout aimé les cours lorsqu'il s'agissait de se battre contre d'autres enfants. Alors je n'étais pas motivé, je plaisantais et je me faisais tout le temps mettre au tapis. »

Je me rendis compte que j'avais débordé du sujet juste avant d'aborder l'épisode du tournoi inter-écoles.
Je baissai la tête en direction du visage de Kei. Elle avait fermé les yeux. Est ce qu'elle s'était endormie ? Pour m'en assurer, je donnai un léger coup d'épaule en avant, pour la secouer.

« Hey ! Tu dors ? Tu t'es fait mal à la tête tout à l'heure ? »

Je l'avais vue, en sortant du vestiaire, se rétamer au sol de façon magistrale. Même un plat à la piscine n'aurait pas eu le même effet à la fois comique et inquiétant.

« C'était plutôt violent comme chute. »

Je me demandai s'il faudrait que je soigne le médecin de DearDeath. Ce serait plutôt comique non ? Et surréaliste aussi, parce que je n'y connaissais rien. J'aurai d'autant plus peur de faire de la merde en face d'une professionnelle et la boulette ne louperait donc pas.