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♪ Endorphin.

Le vent qui envoyait mes cheveux dans mes yeux cessa tout d'un coup alors que nous pénétrions dans le hall. Il y avait des éclats de voix et je fus reposé au sol un peu brutalement. Je redressai la tête, attiré par le bruit, et compris aussitôt ce qui se passait. Deux détenus, l'un en combinaison orange et l'autre grise, se bagarraient. Les gardiens s'étaient précipités pour les séparer. J'étais trop fatigué et déprimé pour analyser leurs réactions et choisis plutôt de profiter de l'opportunité. Je n'avais aucune envie de retourner dans ma cellule et il me semblait évident que c'était là bas qu'ils désiraient me ramener.
Je me mis alors à ramper vers la porte la plus proche. Par chance, elle était entrouverte. J'élargis l'ouverture avec un pied et me glissai à l'intérieur. Il faisait sombre, je ne pouvais pas identifier les lieux, mais une forte odeur de javel ou de je ne savais quel autre produit de ménage agressa mes narines. Je me mis sur le dos et tendis les jambes pour attraper la poignée entre mes chaussons de prisonnier. Ils étaient complètement détrempés par la pluie et presque noirs de terre. Mais je n'en avais rien à foutre, seule comptait ma tentative d'isolement.
Je réussis à refermer la porte et me retrouvai donc plongé dans le noir presque complet. La seule lumière provenait de l'interstice entre la porte et le sol. Une fois que mes yeux se furent habitués à l'obscurité, j'essayai de comprendre où je me trouvais. Oui. Il s'agissait bien d'un placard à balai.

Je me calai dans un coin, entre un seau renversé et une bouteille quelconque, puis me mis à penser. Je pensais à tout ce que m'avait dit et fait la fille. Elle était horrible. Mais n'aurais je pas dû l'aimer pour cela ? Etait ce une preuve de force ou de faiblesse ? Je ne savais pas, je ne savais plus. Et Monsieur Gantley dans tout ça ? J'aimerai lui demander, mais il n'est pas là. Elle avait dit tellement de choses méchantes sur lui, mais et si tout ça c'était vrai ? Non, non non. Monsieur Gantley avait vraiment besoin de moi, il ne pouvait pas me remplacer par le premier Abel venu. J'étais unique ! Il allait venir me chercher, oh oui !

Les heures passèrent, du moins il me semblait. Je ne savais pas très bien, je n'avais aucune montre et de toute façon il aurait été impossible de lire l'heure dans le noir. En tout cas, personne ne vint me chercher. Tant mieux, sauf en ce qui concernait le Guide. Je rêvais tellement de le voir apparaître dans l'embrasure de la porte, illuminé par la lumière du couloir, comme un dieu. Et il me détacherait avec ses supers pouvoirs divins, me prendrait dans ses bras et me dirait que cette fille était morte, qu'il s'en était personnellement chargé. Oui. Monsieur Gantley viendrait me sauver.
Sauf qu'il n'était toujours pas là et que je commençais vraiment à désespérer.

J'avais perdu un peu d'espoir, même si je refusais d'y céder totalement. Et puis, cela finit par payer. J'entendis quelqu'un activer la poignée de la porte et redressai la tête, les yeux écarquillés. Faites que... OUI ! Quand je reconnus le visage de Monsieur Gantley, mon cœur bondit de joie et mon dos se redressa. J'étais tout excité. Mon cauchemar était terminé.
Peu m'importait à présent d'avoir pleuré, d'avoir crié, de m'être roulé dans la boue, d'avoir retrouvé ma muselière, d'être équipé d'un énorme collier ou encore d'avoir les mains attachées dans le dos. Parce que Monsieur Gantley allait balayer toutes ces contrariétés d'un simple revers de main.
Alors qu'il s'approchait de moi, je le fixais avec toute l'adoration possible. Il s'accroupit et me serra dans ses bras. J'étais tellement aux anges ! Je me blottis contre son épaule et fermai les yeux. Oh, oui, j'étais si bien là. J'allais retrouver mon quotidien normal. Plus de Roméo, plus de femme avilissante.
Monsieur Gantley me demanda ce qu'elle m'avait fait. « Elle ». Il savait déjà. Monsieur Gantley était omniscient, si intelligent. Il savait toujours tout de toute façon. Alors, je m'appuyai contre le mur et commençai à tout lui raconter.

Je lui décris comment on m'avait emmené dans la cour puis attaché avec une chaîne, qui servait de laisse. Ce qu'avaient dit les gardiens à la fille de Roméo, qu'il fallait me dresser comme elle avait l'habitude de le faire avec ses chiens. Et puis je lui décrivis Roméo.

« C'est un beau chien, très grand, magnifique. Mais il est trop attaché à cette femme. Je ne comprends pas pourquoi, elle est tellement cruelle. »

Oui, si cruelle. Je dis à Monsieur Gantley ce qu'elle avait raconté à propos de lui. Qu'il ne devait pas être si intelligent que ça et qu'il ne devait pas se soucier de moi, parce qu'il m'avait abandonné. En repensant à ça, les larmes se remirent à couler et je dévisageai soigneusement mon guide.

« Vous n'allez pas m'abandonner, hein ? »

J'avais tellement besoin d'être rassuré. J'étais si heureux d'avoir retrouvé un guide valable après tout, je ne voulais pas qu'il m'abandonne. Après tout, c'était moi qui décidais de m'en débarrasser, pas le contraire.
Ensuite, je poursuivis mon histoire. Je racontai à Monsieur Gantley que je lui avais quand même un peu mis sa pâté, en la faisant tomber par terre et en détruisant son collier ! Mais qu'elle s'était vengé en me frappant avec cette arme qui faisait des courants électriques. Et qu'est ce que ça m'avait fait mal partout, expliquai je.

« Est ce que je devrais la respecter pour ça, Monsieur Gantley ? Je n'arrive pas à me décider. Est ce qu'elle est forte ou faible ? »

Je scrutai à nouveau le visage de mon Guide, attendant sa réponse. Je voulais savoir, je voulais comprendre. Cette fille avait réussi à me perdre. Je la détestais pour ça. Je voulais la voir morte. Mais je ne voulais pas commettre d'erreur.
Monsieur Gantley me guiderait. Il était là pour ça.

Monsieur Gantley me libéra, petit à petit. Plus les entraves disparaissaient, mieux je me sentais. Mon moral remontait et mes doutes s'atténuaient. J'étais de nouveau libre d'agir comme bon me semblait. Et si jamais, à cet instant, j'avais croisé la route de cette fille, je lui aurai arraché... Quelque chose... Avec les dents. Oh que oui !

Le Guide me rassura. Non, il n'allait pas m'abandonner, jamais. Parce qu'il avait eu du mal à m'avoir ? Vraiment ? … Alors il m'avait vraiment beaucoup désiré ! Il me voyait vraiment comme quelqu'un d'utile, c'était tellement génial ! Il me tardait de tuer en son nom, d'être impliqué dans ses actions. J'aurai aimé qu'il me dise, là, tout de suite, que nous allions immédiatement mettre fin à des vies. En tout cas, il était prêt à en découdre avec le monde en entier s'il le fallait, rien que pour m'avoir moi. Je m'en sentais très fier !

A mon interrogation au sujet de la fille, Monsieur Gantley me rassura. Elle était faible, il faudrait l'éliminer. Parce que la violence n'était pas bonne ? Non, non. Ce n'était pas ça. La violence « sans raison ». Il fallait une raison alors ? Monsieur Gantley le savait bien, il était si intelligent. Voilà pourquoi j'avais tant besoin d'un Guide. Moi, je ne savais pas quand on avait une raison de faire preuve de violence. Le monde et les gens qui le peuplaient étaient tellement complexes !
Je regardai Monsieur Gantley se lever, il était tellement grand ! Il me demanda si je pouvais l'imiter, alors je m'employai aussitôt à essayer.
Ce fut un succès. Oui, je pouvais me lever et je tenais même debout. D'ailleurs, j'avais aussi tout à fait la force de marcher et je le lui démontrai en sortant du placard. Le couloir était vide. Pas de détenu, pas de gardien. Nous étions tout seuls. Comme c'était amusant ! Nous étions deux détenus à nous balader en toute liberté et les gardiens ne le savaient même pas !

« Est ce qu'on va quelque part ? »

Disant cela, je me retournai vers mon Guide et levai la tête vers lui, en attente de ses instructions.
Je me sentais tellement mieux maintenant. Tous mes doutes s'étaient envolés et j'étais même plutôt content à l'idée que cette femme allait bientôt goûter à la mort. Oui, ça j'en étais persuadé.